Les objets n’apparaissent qu’en fragments. Les petits cylindres laissent voir de leurs ouvertures des bouts de fourchettes, couteau, lame de rasoir, un verre en céramique, un déodorant, un flacon rempli de liquide vert, un tube de crème de rasage etc.
Ces objets apparaissent à travers des trous irréguliers faits dans le plâtre qui les tient prisonniers de sa matière. Ils surgissent par suite d’une fouille qui a gratté, creusé à l’aveuglette dans la matière dure et opaque du cimentage qui les tient dans une sorte de suspension. On cherche mais on ne sait pas exactement où va-t-on tomber. Mais on se console de l’intime conviction qu’on va trouver quelque chose.
La démarche de l’archéologue tient de cet avancement aveugle vers l’inconnu. On creuse dans les sédiments, on se confronte à la dureté de la matière, on se dépense dans cette besogne parfois ingrate, dans l’espérance que surgisse quelque chose du milieu de la terre. La découverte une fois avérée tient de la révélation. Le vestige, par son étymologie « le pas », nous révèle la trace d’un passage, le sens donc d’une existence passée. Le site archéologique se transforme en scène où se trament des évènements hypothétiques, des scénarios d’anciens faits, et où s’esquissent les éléments d’une « Histoire ». L’imagination est propulsée dans les hypothèses qui se forment et tout un univers surgit avec parfois seulement un bout de pierre taillée, un morceau de poterie, ou un fragment d’objet usuel…
Souvent, les vestiges sortis au grès des fouilles donnent une forte émotion. Et on se demande bien si c’est bien cette extase de la découverte, du dévoilement, qui motive en premier lieu l’archéologue. D’autant plus que cette émotion de l’exhumation est souvent doublée par une émotion esthétique, notamment à la vue de quelque sculpture ou produits artisanaux finement travaillés…
Or le travail de l’archéologue est une science et relève aussi d’un goût pour la recherche de la vérité. Freud a toujours comparé le travail de la psychanalyse à celui de l’archéologie. Le psychanalyste serait en effet cet archéologue de l’âme humaine, qui creuserait dans les sédiments de l’inconscient pour dévoiler des souvenirs cachés. Les évènements oubliés seraient ainsi des vestiges d’une existence passée, mais qui subsistent encore et seraient même les moteurs de certains de nos comportements. Dans les deux cas de l’archéologie et de la psychanalyse, la connaissance du passé est un moyen d’accéder à la vérité du présent, c’est-à-dire à la définition de l’identité.
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