En entrant au musée, le visiteur prend des chemins qui lui ont été spécialement établis : tout de suite après avoir dépassé le poinçonneur de tickets, il s’engage dans un parcours des plus sinueux, et découvre les méandres du musée du Bardo tout jonchés des évènements les plus divers ; Oui évènements, car ne nous propose t-on pas ici de parcourir le temps ?
Ça commence par la grande vitre de l’époque préhistorique, pour s’avancer au grès des commentaires du guide jusqu’à la civilisation arabe en passant par les lybico-puniques, carthaginois et romains. Les couloirs qu’on traverse définissent ainsi le lit du temps qui a coulé autrefois au moment d’un village d’el Guettar dont témoigne les hermaïons, à celui d’un romain qui foulait autrefois ces mêmes mosaïques, jusqu’au présent de nos jours. Mais le sens archéologique qui veut imposer cette succession chronologique à la visite, se trouve fortement contraint par la morphologie même du lieu qui impose sa forme à l’histoire.
En effet, en s’évadant des cursus préétablis on peut dans l’aventure de quelques chemins de traverse joindre la préhistoire à l’époque de la Rome antique, ou, si l’on veut, sauter directement jusqu’à chez les arabo-musulmans. Car bien entendu, à l’origine, le bâtiment du musée avait été construit pour servir à bien d’autres fins ; Conçu en tant que demeure du bey il se décrit comme suit :
- la salle de réception avec sa grande coupole à seize pans en bois découpé et peint de couleurs chatoyantes sur fonds d’or ;
- le grand patio couvert et son plafond d’où pendent quatre lustres accrochés à des pendentifs revêtus d’ornements moulés en plâtre ;
- la salle de musique avec son plafond décoré de motifs floraux et avec ses deux tribunes, l’une réservée aux femmes – les princesses -, l’autre aux musiciens ; celle-ci étant soutenue par de fines colonnettes en marbre blanc et incrustées de baguettes en marbre rouge ;
- les appartements privés où prédomine un décor mural fait de revêtements finement découpés dans le plâtre et présentant des entrelacs, des méandres, des nœuds et des rinceaux, autant de motifs réalisés d’après la technique dite « nakch Hdida « ;
- les panneaux de faïence qui couvrent différents murs, véritables tableaux admirablement exécutés…
Les fonctions des salles ont été transgressés, et ce qui servait autrefois à abriter le souverain et sa courre, s’est transformé en lieu d’exposition. Il s’expose mais tend aussi à disparaître au profit de ce qu’on y expose. (Propriété de l’état)
Après avoir rasé les mosaïques exposées au mur de l’escalier, après s’être penché sur celles de la salle de Carthage et de Sousse, on s’engage dans la sombre salle de Mahdia… Le guide pourtant d’habitude si sûr de ses faits est frappé de mutisme. Il y a là quelque chose d’inhabituel. La grande ancre en bois qui gît à l’intérieur d’une grande vitrine pointe vers un rectangle lumineux qui surprend le regard. Cette figure monumentale n’existe nulle part dans les catalogues de référence, ni sur aucun guide. Elle ne vient ni de la réserve, ni d’une fouille récente, elle est plutôt de l’ordre de l’apparition…
D’ailleurs son être éthéré ne va pas tarder à s’éteindre… En effet, elle jaillit de la petite lampe du vidéo projecteur logé dans une niche au mur d’en face. Il s’agit de l’installation vidéo « mosaïques vivantes » ; un tableau de lumière venu déroger au calme séculaire des monuments.
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